Mon oreiller était si confortable et ma couette si douce, que je n'avais aucune envie de sortir du lit. Trainer au lit était sans doute ma spécialité. Mais ce matin, les rayons du soleil étaient décidés à me faire chier et me tapaient sur les yeux. Malgré mes tentatives pour les éviter, je fus bien obligé de me lever avant de ne péter un câble et d'être exécrable toute la journée. En me levant, je me rendis compte qu'il était à peine huit heures et là, j'avais juste envie de me pendre. Les jours de congés se faisaient rares et si je n'en profitais pas pour me reposer, je ne vois pas à quoi ils me servaient. Tout en me grattant machinalement la nuque, je m'avançai vers mon portable qui chargeait depuis la veille au soir. Apparemment, rien à signaler, hormis une pub sur les jeux en promotion ; ce dont je me fichais royalement. Je débranchai la machine avant de me diriger vers la fenêtre du salon qui m'indiquait qu'aujourd'hui allait être une belle journée. Alors je repartis dans ma chambre me trouver des habits confortables et légers. Un tour sous l'eau froide et me voilà bien réveillé, prêt à sortir. Entre temps, mon humeur avait complètement changé. Elle était passée « d'envies suicidaires » à « rayonnement absolu ». Je repensais aux retrouvailles passées avec Hye Woo, à ce que j'avais pu vivre avec elle et.. bordel, ça me foutait la pêche. Alors je voulais me dégourdir les jambes ; histoire de voir la nature et du beau monde. J'attrapai donc mon porte feuille et un gilet, et me voilà parti pour le centre ville.

Le temps était doux et très agréable. Je n'avais encore jamais vu journée semblable à celle ci depuis l'année dernière. L'hiver 2013 se faisait long. Je n'en pouvais plus de ce vent glacial et de ces gens dépressifs à souhait. Le cœur léger, j'entrai dans la boutique. L'odeur du pain chaud me rappelait mon enfance, et les douces pâtisseries embaumaient le commerce. La vendeuse me demanda gentiment ce que je souhaitais et j'achetai donc une douzaine de viennoiseries toutes plus onctueuses les unes que les autres.

En quittant les lieux je décidai de faire un petit détour par la zone sud qui, ma foi, était sans doute la plus belle de POR. Tout en me promenant prêt de la mer, je vis ce jeune homme. Là, assis sur un banc. Je ne sais pas pourquoi, mais à chaque fois qu'il me voyait, il ne semblait pas à l'aise. Qu'est-ce que je lui avais fais ? Alors je m'avançai vers lui et l'autre rouquin se leva précipitamment. Il n'eut pas le temps d'aller bien loin que je l'arrêtai en posant ma main sur son épaule. Il me sortait des excuses. Juste parce qu'il m'avait regardé. Je fronçai les sourcils : où était le problème ?

« Eh mais relax petit, y a aucun soucis. »

J'étais vraiment surpris. Je faisais si peur que ça ? Les gens me trouvaient bizarre ?

« Je vais pas te manger hein. »

Je lui souriais gentiment alors que ce n'était pas dans mes habitudes. Mais aujourd'hui j'étais de bonne humeur et je voulais tirer cette histoire au clair.

Le pauvre petit ne semblait pas à l'aise. Mais qu'est-ce que j'avais fais bordel ? Il était terrorisé et avait du mal à parler. Pour réagir de la sorte, ça devait être grave. Mais ce qui me préoccupait présentement, était que je faisais peur à un gamin et qu'en plus, je ne me souvenais pas lui avoir fais quoi que ce soit de mal. Si je commençais à me mettre des gens à dos alors que je ne les avais jamais touché de ma vie, ça commençait à devenir inquiétant..

Après avoir commencé une phrase fort intéressante (malgré ses bégaiements omniprésents) il fut obligé de s'interrompre ; suite au regard assassin que venait de nous lancer un homme barbu. « Régler ça » ? Dans un coin ? Peut-être m'avait-t-il prit pour Rambo ? Régler ça avec des coups de poings ou je ne sais quoi. Si cette histoire avait été une broutille, nous aurions pu resté là et parler calmement mais visiblement, ce n'était pas le ton que prenait notre conversation. Tout en lâchant l'épaule du jeune homme, je lâchai un:

« Comme tu veux.. »

Mon sourire s'était effacé et mes sourcils étaient froncés.. Je ne comprenais rien à rien. Je guidai donc le garçon vers un banc caché par un buisson assez haut. Je me mis face à lui et, après l'avoir saisit par les épaules, je lui avouais:

« Bon écoutes mon petit. Je ne sais pas ce que je t'ai fais mais c'est étrange.. tu m'évites. Franchement si j'ai fais quelque chose de mal dis moi, mais j'ai complètement oublié. Peut-être que je n'étais pas dans mon état normal ou je ne sais pas... mais expliques moi. »

Je voulais le mettre à l'aise mais dans ce genre de situation, ce n'était pas vraiment évident. Je commençais aussi à perdre patience. Avec moi même, parce que je faisais des conneries sans même m'en rendre compte. C'est fou c'que c'est chiant d'être con. Le gamin en face de moi ne semblait pas vraiment comprendre ce que j'insinuais, ou bien flipper sa maman. Je voulais lui dire que je n'étais pas méchant, que j'étais civilisé ; mais j'avais l'impression que toute justification de ma part serait inutile. Alors je le lâchai à nouveau pour m'assoir sur le banc.

« Ça fait chier cette histoire sérieux.. » me chuchotai-je.

C'est la que le p'tit m'expliqua la dure raclée qu'il avait enduré. Et tout ça par ma faute. Je devais avoir bu, encore une fois et mon état ne devait pas être très clair. À en croire les propos du jeune homme, il m'avait à peine bousculer et moi, je l'avais tabassé. Ce que je pouvais être bête parfois.. Je ne savais plus vraiment où me mettre. Je plaignais ce gosse qui n'avait rien demander à personne ce soir là. Il vaut mieux s'en prendre à des salauds qui mériteraient bien de se prendre un poing dans la gueule, plutôt qu'à des bambins tout juste sortis de l'adolescence. J'étais inhumain au fond. Frapper de sang froid un type simplement pour une bousculade, mais où va le monde ! Mon comportement me répugnait.
Puis il commença à lever son tee-shirt et c'est là que je vis cet énorme hématome bleu/violacé. Il était arrivé sur cette hanche par ma faute. Je me sentais minable tout à coup et puis sans gêne, je touchais légèrement la marque en disant:

« Non mais je t'ai pas raté.. ! Bordel mais ce que je me sens nul là, tu peux pas savoir. Même si je m'excuse, ça ne pourra pas nous ramener en arrière. Mais pff.. je comprend maintenant pourquoi tu m'évitais. »

Je rebaissais le tee-shirt du gamin et je me frottai légèrement la nuque. Alors il me sortait qu'il était encore en vie, qu'il allait bien et que ce n'était pas si grave que ça. Il se fichait de moi, bien entendu. La santé des gens pas importante ? Mais laissez moi rire ! Ce gamin avait morflé et encore, c'était limite lui qui me faisait des excuses. Je voulais faire quelque chose pour me rattraper, mais quoi ? Cette nouvelle m'avait mis le moral dans les chaussettes. J'étais vraiment pas bien.

« Ah non mais commences pas à me dire que c'est pas grave hein ! C'est ton corps, je te l'ai amoché.. Sérieusement, une personne civilisée ne ferait jamais ça. Mais dis moi si je peux faire quelque chose tu vois.. juste pour te rendre service. Je me vois pas te laisser dans un état pareil. »

Je ne connaissais même pas le nom de ce type, ni quel âge il avait. Sa vie, je l'ignorais. Mais en quelques secondes, je m'étais attaché à lui. Le voir si mal et tout ça par ma faute … je ne sais pas si je pourrais me le pardonner un jour.

Je me faisais du soucis pour le petit, c'était clair. L'état de sa hanche était quand même préoccupante. Puis me dire que c'était de ma faute tout ça, ça me foutait vraiment en rogne. Si je n'avais pas bu ce soir là, si il ne m'avait pas percuté, tout cela ne serait pas arriver. Mais avec des « si » on pourrait refaire le monde. On ne pouvait plus revenir en arrière. Ce qui était fait était fait.

Il refusait mon aide, disant que ce n'était rien. Simple marque de politesse je présume, il devait être un garçon bien éduqué. Je poussai alors un léger soupir, me sentant inutile dans cette affaire. C'était moi qui avais fais les dégâts et ma victime ne souhaitait rien de ma part. Je ne voulais pas acheter sa confiance, mais juste lui montrer le vrai moi. Cette image qu'il avait pu voir l'autre soir, c'était un peu comme un diable. La face cachée de ma personnalité que je n'aimais pas montré. Il se leva alors brusquement, me lançant un sourire et me tendant sa main. « Sans rancune » me disait-t-il. Je souriais à mon tour. Toute cette histoire ne semblait pas l'avoir traumatisé ; ou du moins, moins que tout à l'heure. J'étais un peu rassuré au fond mais toujours aussi mal. Il se reprit quelques secondes plus tard, changeant « mon vieux » par « monsieur ». Aheum. Ce que je n'aime pas qu'on m'appelle « monsieur ». Ça fait vraiment.. je ne sais pas.. pas moi.

« Myung Dae suffira. »

Je me levai à mon tour et lui rendis son sourire. Je pris alors sa main dans la mienne, avant de lui serrer. J'avais l'impression d'être dans un film, dont le scénario était « tout est bien qui fini bien ». Je ne pouvais pas le laisser partir comme ça. C'était l'occasion ou jamais pour faire sa connaissance. Pour les croissants, mes coloc' attendraient. De toute façon, ils n'étaient même pas au courant que j'étais sortis. Je lâchai alors sa pâte, lui disant:

« Que dirais-tu d'un petit brunch meu.. meu.. c'est quoi ton p'tit nom d'ailleurs ? »

Je commençai à avancer vers les commerces non loin de là, le petit me suivant. Ma langue avait bien fourché, et j'avais eu un bug mémorable. « Meu meu ».. bonjour la vache. Je devais avoir tout juste l'argent sur moi pour payer un repas au jeune homme. Avec un peu de chance, je n'avais pas oublié ma carte bleue ; de ce fait, je pourrais lui offrir un bon déjeuner copieux. Mouais, espérons qu'avec un peu de chance, mes sous m'aient suivi.